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Polymère est né de la rencontre entre deux artistes. Un artiste de la matière et un artiste du corps, tous deux guidés par les formes, le mouvement ou encore la transformation. En 2019, Etienne Krähenbuhl, sculpteur romand, tient une exposition nommée « Plastiques » dans laquelle on peut découvrir une fresque d’estampes traversant toutes les couleurs du spectre, réalisée à partir de ses déchets plastiques du quotidien durant une année complète. Julio Arozarena, danseur, pédagogue et chorégraphe cubain, visite son exposition et se retrouve touché par la beauté de l’œuvre. Il se pose des questions : que fait-on avec tout ce plastique que l’on produit, que l’on jette, que l’on oublie ? Se sentant inspiré par la beauté qui se dégage de la matière et du questionnement, il créée alors « Polymère », un spectacle de danse néo- classique pour 7 danseur.euse.s sur la pollution du plastique dans les océans et les rivières.Julio Arozarena travaille avec Etienne Krähenbuhl pour la scénographie. Ils transcrivent son œuvre en vidéo, diffusée sur le mur arrière de la scène et devenant l’environnement de la vie aquatique. Le danseur chorégraphe a également beaucoup échangé avec la costumière, Sandra Wauquaire, autours de la création des costumes et accessoires, tous fabriqués à partir de matières et tissus récupérés.

Film réalisé par Frédéric Paschoud, pour La Fondation Edouard & Maurice Sandoz à Pully, sur l'oeuvre cinétique et sonore du sculpteur suisse Etienne Krähenbühl.

En l’an 2000, Etienne K.est invité au Liban pour participer à un symposium de sculpture. A la rencontre des artistes, d’un peuple avide d’échanges, de témoignages, se superpose la découverte d’un champ de blessures⁴, traces toujours vives du conflit, inscrites dans les chairs, corps et esprits, terres et poussières d’un pays défiguré par le feu et l’acier. Les hommes racontent leur guerre comme on fait le récit d’une légende. Ils remontent leurs manches au-dessus des coudes, retroussent le bas de leur pantalon, sortent un pan de chemise pour exhiber la chair nue blessée par l’éclat. Torses nus devant l’artiste, ils dévoilent stigmates et lignes brisées, chantent bien haut le récit de leurs combats, et montrent que les cicatrices que vous voyez, les membres écorchés ou tordus, déformés, les chairs meurtries aussi, vous pouvez les toucher, les voir, que ces preuves dépassent de loin les fables que l’on raconte aux enfants.

 En retrait des côtes méditerranéennes, dans la petite ville touristique d’Aley, 800 mètres d’altitude, à quelques 17 kilomètres de Beyrouth, Etienne K. marche sur un tapis d’éclats d’obus, véritable concentré de fureur. Les enfants cueillent les petits bouts de bombes éparpillées partout dans des paniers, ils les déposent avec fierté aux pieds du sculpteur. C’est comme s’ils ramassaient leur mémoire ,c’est comme s’ils rendaient hommage à leurs pères. Chaque pièce raconte un disparu, des centaines d’enfants perdus qui errent en fantômes dans les ruines.

Etienne K. est hypnotisé par la matière : densité, charge de l’alliage, effroi devant l’objet.Frissons dans le dos. Etienne K., immobile, est d’abord stupéfait. Il ébauche un geste, lève l’éclat dans la lumière du soleil qui filtre à travers les branches du seul cèdre qui demeure en ces lieux. Il décide d’en figer l’élan.Il fixera ces fragments meurtriers sur de longues tiges souples. Il dressera les éclats devenus fleurs ou épis, il les élèvera en un champ de mille fleurs du mal, suspendues dans la mémoire des vents.

Ces épis de bombe sont des éclats de nuits. La brutale épaisseur de l’obscurité, la lourdeur des obus rappelle ces géantes stellaires rouges ou noires nichées au creux de la matière, denses et menaçantes, qui explosent en silence dans le vide d’une pincée d’univers.

David Collin

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Sculpture fontaine composée de 200 petits cubes en acier inoxydable, réalisée en 2013 à la Fondation Opale à Lens

Etienne Krähenbühl s'invite au quarantième anniversaire du Paléo Festival de Nyon